Quand on souhaite faire un livre photo la première question que l’on se pose est souvent celle de la plateforme d’édition. Le choix effectué, on se lance alors tête baissée dans l’outil de mise en page et c’est là que les choses commencent à se compliquer. Je suis aussi tombé dans ce piège lorsque j’ai voulu faire mon premier livre pour illustrer mon projet 365. Côté éditeur, Blurb s’est assez vite imposé par les prestations offertes, malgré des prix supérieurs à ses concurrents : livres de qualité, outils nombreux et puissants, possibilité de faire des ebooks voire de vendre ses livres. Je me précipite alors sur l’outil Booksmart (n’ayant aucune compétence Indesign) pour voir ce que je peux en tirer avec l’aide des didacticiels de Blurb. Et je me suis retrouvé devant une page blanche et pas mal de questions : quel type de livre, quelles photos, comment les classer, quels textes, quelles légendes, un index ?
J’ai tout repris à zéro et essayé de trouver de l’aide pour construire mon livre. Là encore ce sont les didacticiels de Blurb qui sont venus à mon secours ; Il y a deux vidéos issues de webinars menés par Mat Thorne, un photographe concepteur de livres, qui sont absolument géniales pour tout savoir sur le sujet : « How to Sequence and Design Your Next Book Like a Pro » et « How to Design and Layout Your Next Book Like a Pro ». La première se concentre sur la structuration du livre, le choix des images et comment les enchaîner alors que la seconde s’attache à la forme (mise en page du livre, choix des polices, couverture, marges, index). Il vous faudra plus de deux heures pour visualiser ces deux vidéos en anglais, deux heures qui seront largement gagnées par la suite. J’ai essayé de suivre les conseils et les techniques de Mat Thorne pour réaliser mon livre. Je vous propose de décrire ce qu’il propose au travers de ma propre expérience (évidemment, cela ne vous empêche pas de regarder ses vidéos dans lesquelles vous apprendrez bien d’autres choses).
1. Fixer ses objectifs
Il est primordial de savoir à l’avance ce que vous attendez de votre livre : que doit-il refléter, à qui s’adresse-t-il ? Car selon qu’il s’agisse d’un portfolio professionnel, d’un livre de souvenirs, d’un journal de voyage, d’illustrer un projet ou de faire une rétrospective, la façon de choisir les images et de les organiser peut être très différente.
Dans mon cas il s’agissait de faire une sorte de livre de clôture de mon projet 365. L’objectif était de pouvoir conserver pour moi-même mais aussi partager ce qu’avait été cette année photographique. Je aussi conscient de la volatilité d’un projet qui n’est présent que sur le web et aussi du fait que peu de gens ont le courage de parcourir la totalité des 365 photos (sans parler de la qualité disparate des photos). Il s’agissait donc de faire un extrait de ces images (pas trop) et de les organiser pour donner plus de cohérence, le tout agrémenté de quelques textes explicatifs très courts.
2. Le premier tri
Il s’agit ensuite de faire une première sélection des images qui pourraient correspondre à l’objectif fixé. Cette sélection s’effectue en plusieurs étapes et va permettre de préparer le travail de structuration.
- La première passe s’effectue sur l’ordinateur, à l’aide de votre outil préféré. Il est primordial de regrouper toutes les images sélectionnées dans un dossier (ou collection) unique. Pour cela j’ai créé une collection « Livre 365 » dans Lightroom que j’ai désigné comme cible de la collection rapide. Il m’a suffit de parcourir mes 365 images en les visualisant en plein écran : un appui sur la touche B les ajoute à la collection. Ne pas hésiter à faire plusieurs passes sans trop censurer pour cette première étape.
- Réaliser des planches contact de l’ensemble des images sélectionnées. C’est assez facile à faire dans LR, il y a des presets tout prêts pour cela. Indiquer sous chaque image l’information qui vous permettra de la retrouver sur votre ordinateur (légende, nom du fichier ou autre). J’ai fait des planches 4×5 images en incluant dans la légende la résolution de l’image car certaines photos ayant été faites avec mon iPhone je savais que je ne pourrais pas les mettre pleine page dans mon livre 30x30cm.
- Découper chaque image pour en faire des vignettes individuelles (une activité qui fera appel à vos souvenirs de maternelle) et les étaler sur un plan de travail suffisamment grand pour pouvoir tout voir et bouger les images par la suite.
- Le fait de voir l’ensemble des images sélectionnées d’un seul coup d’oeil est la clé de cette première étape. A ce stade vous allez pouvoir affiner votre sélection en retirant les images qui ne sont pas cohérentes avec votre objectif ou bien celles qui ne sont pas homogènes avec les autres (par exemple 2 ou 3 photos en noir et blanc alors que le reste est en couleur). Il ne faut pas obligatoirement jeter les images retirées, vous pourrez par la suite juger qu’elles ont quand même une place en fonction de la structure générale que vous aurez définie.
A l’issue de ce premier tri, vous pourrez avoir envie de réimprimer en plus grand les images retenues pour travailler plus confortablement sur les images (à condition d’avoir de la place). Pour ma part j’ai continué mon travail à partir des vignettes car je connaissais bien le contenu de chaque image.
3. Structurer le livre
L’objectif de cette étape est de définir la structure macroscopique du livre, la façon dont les images vont être regroupées pour avoir une cohérence globale, en quelque sorte le scénario du livre. Matt Thorne identifie trois types de structuration possible :
- Par ordre chronologique. Ce type convient lorsque la notion de temps fait réellement partie intégrante du projet : par exemple une rétrospective avec des périodes de dates charnières, un livre historique, etc.
- Par lieu géographique. Cela peut être le cas pour un récit de voyage avec un classement par ville ou par pays.
- Par thème. Au-delà des thèmes c’est plutôt une histoire que l’on cherchera à mettre en scène dans ce type de livre avec un début et une fin, la notion de progression dans la structure est très importante.
Bien sûr il peut aussi être intéressant d’essayer de casser les règles et voir si cela fonctionne. La méthode « papier » présente cet avantage de pouvoir tester facilement différentes structures tout en ayant une vue globale sur la totalité des images.
Concrètement cela consiste à organiser les photos par groupe correspondant à la structure souhaitée en les organisant sur le plan de travail :
Pour mon livre, le choix par thématique me semblait plus judicieux qu’un choix chronologique qui n’aurait rien apporté à la lecture. J’ai regroupé les images dans 8 grandes thématiques qui me permettaient de « raconter » mon projet avec ses difficultés et les opportunités. J’ai par exemple un chapitre qui concerne les photos prises en sortant mon chien (parce que c’était une opportunité de faire des images), les photos prises au travail mais aussi des sélections plus classiques par typologie d’image (photos minimalistes, macro). Les images qui n’entraient pas dans ces catégories ont été rejetées : il est important de noter qu’il ne faut pas absolument vouloir tout mettre. Même si une photo vous semble bonne, si elle ne s’insère pas correctement avec les autres il ne faut pas hésiter à l’enlever (quitte à la réutiliser plus tard dans un autre livre).
4. Définir l’enchaînement des images
A ce stade vous pensez pouvoir passer directement à la mise en page dans l’outil. Il reste cependant une dernière étape primordiale : définir l’ordre des images à l’intérieur de chaque section définie à l’étape précédente. En effet l’ordre d’apparition des images dans un livre ne doit pas être fait au hasard. Le but est d’amener le lecteur à avoir envie de passer d’une image à la suivante naturellement, même s’il ouvre le livre au milieu. C’est de loin la partie la plus amusante et la plus créative.
En réalité les photos d’un livre ne sont pas isolées, elles vont généralement de paire. Cela correspond aux deux pages qui se font face lorsque le livre est ouvert. Sur cette paire de page on va pouvoir utiliser :
– une image : à cheval sur les deux pages, seule sur la page de droite avec un texte ou une page blanche à gauche ou bien seule sur la page de gauche mais c’est plus rare (on préférera mettre l’image sur la page « plate », c’est à dire celle de droite).
– deux images : une sur chaque page, c’est le cas le plus fréquent
– plus de deux images. C’est une situation moins courante car plus risquée, l’accumulation risquant de brouiller le lecteur. Le chevauchement est également à éviter mais il n’y a pas de règle définie, tout dépend de la mise en scène que vous avez décidée pour votre livre (sobre ou baroque). Dans mon livre j’ai utilisé à deux reprises une mise en page de quatre images carrées sur une même page car elles formaient un tout (formes qui se complétaient, quatre saisons).
Pour la majorité des cas vous aurez donc à trouver des binômes d’images qui se complètent. Cela peut se faire sur des similitudes de sujet, de couleur, de forme qui font une connexion entre deux images (une ligne sur une image qui se prolonge sur la seconde). On peut également miser sur un contraste fort entre les deux photos (sujet, couleur, forme, etc.). Si vous parcourez mon livre « trois cent soixante cinq » (la moitié des pages sont disponibles en aperçu) vous pourrez deviner comment j’ai essayé de respecter ces règles.
Concrètement vous pouvez faire se travail directement sur le plan de travail en appairant les vignettes. J’ai préféré préparer une trame présentant 3 paires de pages sur lesquelles j’ai collé les vignettes à leur emplacement de destination. Cela permet également de prévoir les pages de texte, d’index, etc.
5. Réaliser le livre
Réaliser le livre va maintenant être un jeu d’enfant. Il suffit de suivre vos trames une à une et de mettre les pages en place dans l’outil Booksmart. Je ne vais pas entrer dans le détail de cette étape, de nombreux tutoriels existent.
Pour cette dernière étape vous allez également vous poser pas mal de questions concernant la mise en page elle-même : taille des images, marges, photos pleines pages, légendes, numéros de page, index. couverture, première page, dos du livre, etc. Vous pouvez consulter la deuxième vidéo de Matt Thorne qui vous donnera beaucoup d’indications sur le design d’un livre photo. Je vous conseille également de consulter d’autres livres photos pour voir comment ils sont fait, trouver l’inspiration ou simplement repérer les « standard » de mise en page. J’ai trouvé beaucoup de réponses à mes questions dans les livres que j’avais déjà chez moi.
Vous pouvez consulter (voire acheter pour les vrais fans…) mon livre sur Blurb :
11 réponses sur « Concevoir son livre photo »
Book dotted with vivid on-the-fly portraits and vibrant colors as well.
I warmly recommand it!
Thanks for the comment, very happy you love my photographs 😉
New books are on the go, with candid portraits as well…
Ayant déjà réalisé quelques livres-photos au retour de treks, je m’aperçois que je fais plus ou moins intuitivement ce travail mais sans passer par la planche-contact. C’est peut-être ce que je ferai la prochaine fois.
Il est vrai que le plus difficile est de faire le tri et surtout de retirer des photos de la sélection car elles ne collent pas avec les autres, même si elles sont réussies. Au début, j’ai commis l’erreur de mettre plusieurs photos sur une même page justement parce que je ne pouvais me résoudre à faire ce tri. C’était une erreur, je m’en suis rendu compte en feuilletant d’autres livres-photos, et maintenant, c’est en général une photo par page, ou un panoramique à cheval sur deux pages.
Merci en tout cas pour cet article très intéressant.
Stéphane
Tu as raison, je crois que c’est en regardant d’autres livres qu’on apprend le plus. Merci pour ta participation.
Tu as fait ça sérieusement et avec méthode ! pas bête les planches contact (faut que je me trouve un preset tiens), et les collections LR, jamais utilisé pour ma part, faudra que j’essaie 😉
Très beau livre que j’ai parcouru
Merci pour ton passage et content que le livre te plaise.
Pour les planches contact, y’a des presets tous prêts dans LR… Et pour les collections y’a aussi ça : Organiser sa bibliothèque Lightroom
cool merci 😉
Article intéressant pour moi qui songe aussi à réaliser un livre.
J’ai fait un ebook « spirit of paris » au titre pompeux qui est un ebook de cloture comme tu les appelles : cloture de ma photographie à Paris avec un compact. Cela représente 4 mois de photos, principalement chaque samedi.
Résultat ici :
https://plus.google.com/u/0/114034900216037711293/posts/aANH4pZfBoj
J’ai utilisé l’outil ebook de LR4.1 qui est pas mal du tout. J’ai pu exporté en PDF et aussi en JPG pour faire un album G+.
Dans celui-là j’ai surtout testé, on verra ce que donne le prochain !
Oui j’avais vu passer ton post sur Google+. Très réussi ton e-book, tu devrais en faire une version papier c’est vraiment un bel objet les livres Blurb.
Je n’ai pas encore essayé la fonction Livres de LR4 car j’avais fait mon livre avant sa sortie mais pour le prochain pourquoi pas…
Pour la version papier, j’hésite pour le prix. 56 pages cela risque de me coûter cher !
Ce qui est bien avec le module Book de LR4 est que d’une part c’est lié à Blurb et surtout qu’on reste dans le flux de production.
Tu n’es pas obliger d’exporter des jpg pour composer ton album.
Pour l’ebook sur Paris j’ai carrément fait des copies virtuelles de toutes mes images que je voulais mettre, j’ai fait un reset du développement et je les aient re-développées spécifiquement pour l’ebook pour qu’il y ait une continuité, un ‘look and feel’