Le vignettage ne passera pas l’hiver

J’ai commencé à photographier il y a déjà pas mal d’années et comme tout jeune photographe débutant dans la vie active acquérir du matériel au meilleur rapport qualité/prix était primordial. En ce temps (je suis en mode vieux qui raconte sa vie, mais c’est juste pour l’introduction), internet n’existait pas encore et avoir des informations fiables sur le matériel disponible était autrement plus compliqué qu’aujourd’hui.

Pour cela Chasseur d’Images était une source incontournable grâce à ses petites fiches cartonnées insérées en fin de magazine. Je découpais soigneusement toutes ces fiches de test sur les appareils et les objectifs. Ainsi lorsque j’ai eu les moyens de m’offrir un bon objectif je me suis penché sur ma pile de fiches et j’ai commencé à regarder les jolis graphiques de performance. J’ai jeté mon dévolu vers l’excellent Canon 28-70 f2.8 L qui continue de me rendre de loyaux services plus de 15 ans après.

Aujourd’hui rien n’a changé. Ces mêmes graphiques sont juste plus faciles à retrouver grâce à des sites comme dpreview.com ou DXO Mark. Et la course à la performance est toujours bien présente pour une grande partie des photographes amateurs ou professionnels.

Comme moi, vous avez épluché les performances de chaque modèle, comparé les graphiques, recompté vos économies et vous avez donc entre les mains un superbe objectif au piqué incroyable, avec une distorsion quasi invisible, sans aberrations chromatiques et surtout qui ne souffre aucun vignettage. Vous êtes fiers des images que vous faîtes avec et vous avez bien raison. Une fois rentré à la maison, vous passez vos images dans votre logiciel préféré pour les rendre encore plus belles, les accentuer (au-delà du raisonnable sachant que votre objectif de ouf vous a déjà donné tout ce qui était optiquement possible). Vous êtes satisfaits du résultat mais il manque encore un petit quelque chose.

Et là tout bascule : vous vous jetez sur le curseur « Vignettage après recadrage », dilapidant du même coup les centaines d’euros que vous aviez laborieusement économisés pour acheter cet objectif « qui ne vignette pas » ! Vous avez été la victime (consentante) de la mode vintage qui sévit depuis plusieurs mois. La lomographie, Instagram, Hipstamatic et tutti quanti ont encore frappé.

Je ne suis pas contre le traitement vintage des images. Il y a des sujets qui sont mis en valeur avec ce type de traitement et, utilisé avec mesure et justesse, il peut donner des images très fortes. Mais le cas du vignettage est un peu différent car c’est plus qu’une mode. Il est aujourd’hui utilisé d’une façon quasi systématique par de nombreux photographes. Un exemple : J’ai participé il y a quelques semaines à un défi très intéressant initié par @hangryben qui consistait à traiter une image, la même pour tous les participants. Sur les 23 participants, 12 avaient ajouté un effet de vignettage à leur image (moi y compris, même si j’ai essayé d’avoir la main légère).

Sans s’en apercevoir, ce que nous faisons en ajoutant cet effet à trop d’images, c’est tout simplement les « dater ». Il pourrait bien arriver au vignettage ce qu’il s’est produit avec les tirages à marge blanche. Regarder un tirage avec marge blanche date obligatoirement la photo aux années 90, un cadre blanc qui nous paraît aujourd’hui complètement envahissant. Car de la même manière que vous reconnaissez le traitement hypersaturé des films des années 70, dans quelques années vous regarderez vos images et vous vous direz : tiens, celle-ci a été traitée dans les années 2010. Le vignettage vous sautera aux yeux et vos images risquent de paraître très typées, vieillottes voire risibles.

Moi aussi j’abuse du vignettage mais depuis quelques temps, en le voyant partout j’essaie de mesurer à quel point il est vraiment utile à la photo. Si mon intention est véritablement de donner un côté vintage à l’image, alors j’y vais franco. Dans les autres cas j’essaie de limiter l’effet et surtout vérifier qu’il restera intemporel.

Le vignettage passera certainement l’hiver mais il risque de vous sauter aux yeux dans quelques années, au mieux vous faire sourire sur cette vieille mode, au pire complètement ruiner votre plaisir de revoir certaines images.

14 réponses sur « Le vignettage ne passera pas l’hiver »

Ah les phénomènes de mode dans la photographie…

Un peu comme le HDR, technique qui permet d’augmenter la dynamique d’une image, mais utilisée à tort et à travers avec des curseurs dans tous les sens, rendant l’image surréelle et baveuse. Le pire c’est que les meilleurs HDR que j’ai vu… ne ressemblent pas à un HDR (dans le sens où un HDR baveux est particulièrement reconnaissable) !

Non, la vrai question à se poser c’est « quel intérêt artistique que d’utiliser une technique que tout le monde utilise, et de la même manière ? » Quid de l’originalité…

Je l’utilise assez peu tout compte fait – et même si le vignettage est maintenant corrigé par le logiciel (LR, DxO, etc), paradoxal en effet d’en ajouter presque « automatiquement » pour certains. Sans compter effectivement le prix du cailloux qui inclut cette correction, étrange donc 😉

Le vignettage pour moi, c’est surtout pour mettre en valeur le sujet, et non pour donner un effet vinetage / old school à la photo, mes 2 sous de réflexion.

C’est utilisé aussi à mon avis pour cacher des parties disgracieuses d’une photo – quand celle-ci n’a pas été shootée en tenant compte des détails – ça m’arrive aussi à l’utiliser pour ça, de plus en plus rarement je l’espère.

C’est vrai que pour mettre en valeur le sujet, c’est très efficace et j’ai souvent été tenté de le faire jusqu’à ce que je me rende compte à quel point ça se voit et à quel point c’est artificiel.
C’est une question de dosage je pense.

Idem qu’Olivier: pour moi, le vignettage n’est pas là pour faire un effet vintage mais pour mettre en valeur le sujet, surtout sur des portraits. Ca recentre le regard. J’avoue en avoir abusé parfois pour éviter qu’on voie ce bras dans le coin ou des trucs dans le genre. Mais bon, faut pas non plus en abuser, rendre les coins un peu plus sombre, c’est acceptable, le rendre noirs, non.

Maintenant, j’ai un bel objectif qui a du piqué ET qui vignette à mort, donc je n’ai plus besoin de rajouter quoi que ce soit 😀 (Nikkor 50mm f1.4 D)

Je me suis fait cette réflexion. J’ai toujours trouvé ça effectivement bizarre de rajouter un effet de vignettage là où il n’y en a pas. Il me semble que LR et son option pratique de vignettage est pour beaucoup à cette mode. Tant qu’on évitage le vignettage blanc, pourquoi pas, mais perso je n’utilise pas LR donc je ne vais pas me casser la tête pour ça.

Par contre j’aime bien les vieux objectifs, les appareils photos à deux sous qui vignettent et déforment à fond. Mais là je me fais plaisir en développement 🙂

Tout ceci est tellement vrai.
Avoir un super cailloux pour la lomographie est dure à comprendre en effet et, passer des heures à triturer un fichier pour imiter une photo vintage semble bizarre.
Les vrai fana de cet types d’image s’équiperont d’Holga et autres lomo ou utiliseront des films périmés. Il prendront ainsi beaucoup de plaisir à ne pas contrôler grand chose et palpiteront à l’attente du résultat.
Cette mode du vignettage vient à mon avis plus des graphistes (au départ) qui l’utilise pour mettre en valeur des affiches ou autre support de communication. Et, ils ont un grand impact sur les modes.
Toutefois le vignetage se justifie parfois. A utiliser avec parcimonie donc (comme tout autres choses).
Super article.
Je découvre ton blog et j’aime beaucoup.
Merci.

Romaric.

Je suis d’accord et pas d’accord sur ce que tu dis et je m’explique : le vignettage n’est pas qu’un effet de mode.
C’est pour moi avant tout un défaut optique qui devient une qualité dans certains cas, particulièrement quand on cherche à mettre plus en avant tout ou partie d’une photo. Je prendrai pour exemple cette superbe série de Olivier Maurin que je trouve très à propos ici : http://www.coolgraph.net/photographies/blog/expo-science-fiction-a-la-villette/
Le traitement désaturé et sombre se marie parfaitement (selon moi) avec l’utilisation d’un vignettage marqué. Je vais même jusqu’à dire que l’on peut s’approcher de ce genre de rendu avec une mesure d’exposition pondérée sur un point assez clair et une correction d’exposition négative (sans toutefois obtenir de désaturation bien sur).
Là ou je suis d’accord sur l’effet de mode, c’est qu’on le voit de plus en plus, manipulé n’importe comment (trop souvent à outrance). Et comme tout le temps, on en arrive à des dérives qui ont déjà fait leur preuve dans le HDR notamment comme le disait très justement Clovis.
C’est pour moi un outil que j’utilise avec parcimonie et je conclurai par dire que de s’en priver peut être tout aussi négatif que d’en abuser.

C’est très juste Willy, ce que j’ai écrit était surtout en réaction à l’utilisation systématique de cet effet en ce moment.
J’ai peut-être un peu forcé le trait mais comme tu le dis, il peut (et doit ?) être utilisé dans certains cas sans que cela ne soit caricatural.

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