Juste des outils pour écrire
Un peu comme certains photographes délaissent leur appareil numérique pour revenir à l’argentique, j’ai voulu réduire mon utilisation des appareils électroniques pour écrire. Ecrire sur du papier avec un stylo.
J’ai commencé par rechercher un carnet. Le choix a été rapide. Depuis quelques mois, Evernote est devenu un outil essentiel pour organiser mes idées. Ainsi, tout naturellement, le carnet Evernote Notebook by Moleskine s’est imposé. Il me promettait une transition en douceur grâce à la possibilité de numériser les notes manuscrites, de les ranger automatiquement, mais aussi de faire une recherche dans ces notes depuis Evernote grâce à l’indexation plein texte.
Mes premiers pas avec ce carnet m’amènent à des sentiments mitigés. Si le système fait plutôt bien ce qui était promis, il ne va pas assez loin à mon goût. Le classement automatique fonctionne très bien (avec les stickers colorés que l’on appose sur les pages et qui sont reconnus lors de la numérisation via l’App pour iPhone), mais on pourrait tout aussi bien le faire manuellement en quelques clics dans Evernote sur n’importe quel support numérisé. L’indexation est perfectible, il faut dire que la reconnaissance de l’écriture manuscrite – la mienne en l’occurrence – est relativement complexe. En réalité, l’idéal serait d’avoir une reconnaissance à 100% qui permette de récupérer ses notes manuscrites en vrai texte électronique sur Evernote. Bref, ce carnet Moleskine pour Evernote est amusant, mais pas incontournable.
Avec le carnet en poche, il me manquait un stylo adapté, un stylo qui me donne l’envie et le plaisir d’écrire et que je peux avoir en permanence sur moi. Le hasard a fait que David Bosman a publié sur son blog il y a quelques jours un rappel des outils qu’il utilise pour écrire : s’isoler pour travailler. Je lui demande conseil et il me donne son adresse préférée pour trouver le stylo idéal, Styl’Honoré, rue du marché du même nom à Paris. Malheureusement, je trouve porte close en ce samedi matin, ils n’ouvrent que du lundi au vendredi. Je décide d’aller explorer l’adresse que j’avais repérée sur le web : Skripta, à deux pas de la place de la Contrescarpe.
C’est une toute petite boutique, 10 m2 à tout casser. Le propriétaire m’accueille très gentiment. Je lui explique ce que je recherche et lui demande à voir le fameux Fisher Space Pen. Même s’il est agréable d’écrire avec ce stylo, je le trouve trop petit. Il me montre une dizaine d’alternatives, n’hésitant pas à me sortir tous les modèles pour que je les teste : des Lamy, Caran d’Ache, Pilot, etc. D’emblée, il ne me propose pas de stylos luxueux mais des modèles à prix relativement raisonnables (moins de 50€). Le plus cher qu’il me montre est à 100€, la catégorie Luxe (sic). Ici, on n’est pas dans le bling-bling, ce qui compte, c’est l’outil, la qualité d’écriture, la solidité. J’apprécie. J’essaye le modèle Caran D’Ache que j’avais repéré en vitrine : le classique modèle 849 revisité en édition limitée par (le célèbre ?) designer Claudio Colucci avec une jolie couleur anthracite striée de motifs géométriques. Je trouve le stylo très beau, pas trop gros et surtout très agréable à utiliser tant par la tenue que la qualité de la glisse sur le papier. J’opte pour une bille Medium, une recharge « Goliath » noire donnée pour écrire jusqu’à 600 pages A4 ! Tarif du stylo avec sa recharge : 49.90€.
Il va sans dire que j’ai pu essayer la dizaine de stylos que l’on m’a présenté ainsi que les différentes tailles de billes. J’en profite pour acheter également un stylo-plume Lamy Safari, un grand classique qui a fait le bonheur de plusieurs générations d’écoliers et d’amateurs de belle écriture (dont David qui ne tarit pas d’éloges à son sujet). Je prends un classique noir mat avec plume Medium (il est marron très foncé en réalité, j’ai mal vu en le choisissant). A noter que la boutique propose de remplacer les plumes si elles sont usées (environ 6€), sur un stylo à 21€, on peut saluer l’initiative.
Je discute également avec le commerçant des carnets qu’il propose : des Leuchtturm 1917, une marque allemande que David conseille également (vous l’aurez compris, David est ma référence en la matière…). Il m’explique que sa boutique ne travaille plus avec la marque Moleskine à cause de la dégradation continue de la relation commerciale. Rien à voir avec Leuchtturm, qui est à l’écoute des remarques de ses revendeurs. Il me montre également la gamme des carnets Bindewerk, la qualité du fait main à un prix incroyable (moins cher que Moleskine en tout cas). Bon, je suis reparti sans cahier, ce sera pour une autre fois car j’ai repéré des modèles intéressants dans leurs gammes.
Car c’est certain, Skripta est une adresse qui donne envie d’y revenir. L’accueil, la qualité des conseils, le simple fait que l’on ne vous propose pas d’emblée des stylos au prix exorbitant (pas de Mont Blanc ici), en fait une adresse où passion rime avec professionnalisme. Notez l’adresse dans vos carnets : toutes les informations sont sur leur site web. Il est même possible de commander en ligne si vous n’avez pas la chance de pouvoir vous déplacer dans la boutique.
Je viens d’écrire cet article avec le bille Caran d’Ache. C’est exactement ce que je cherchais : solide, léger et surtout très agréable à utiliser. J’ai également fait un test du Safari : la qualité de glisse est extraordinaire même si, selon le papier, la plume Medium peut faire des tracés assez gros. C’est le cas du Moleskine dont le papier assez fin agit un peu comme un buvard. Sur un papier plus lisse comme celui des carnets de prise de note Oxford Notebook, c’est idéal. C’est un argument de plus pour retourner en boutique le tester sur les carnets Leuchtturm et voir ce que cela donne. La prise en main du Safari peut également dérouter car le corps du stylo dispose de deux renfoncements près de la plume pour placer le pouce et l’index. Dans mon cas, les doigts ne se positionnent pas naturellement dans ces emplacements, je dois avoir mal appris à tenir mes stylos en CP. Rien de bien gênant, je m’y fais petit à petit.
Finalement, la vraie question est de savoir si disposer d’un joli carnet et de beaux stylos améliore la qualité d’écriture. La réponse est la même que pour le photographe : photographier avec un appareil argentique est-il un gage de meilleure qualité des photos ? Evidemment non. L’important, en écriture comme en photographie, est de trouver l’outil qui procure l’envie et le plaisir de pratiquer. Ils doivent être des facilitateurs, s’effacer, se faire discrets et même se faire oublier pour que l’on puisse se concentrer sur le résultat et non sur le moyen. De la même manière que j’aime utiliser différents appareils photo, changer mes outils d’écriture est un moyen ludique de continuer à écrire sans me lasser.