Bertrand Périer, invité de GDIY

Je n'écoute pas tous les épisodes de Génération Do It Yourself, le podcast de Matthieu Stefani. Sans retirer le mérite à la compétence d'interviewer de Matthieu, il faut bien dire que la qualité de l'épisode est très dépendante de celle de l'invité. L'épisode 482 sorti en juillet fait partie des tous meilleurs.
Vous connaissez certainement Bertrand Périer, avocat à la Cour de cassation et au Conseil d'État, mais aussi avocat de la libération de la parole. Sa contribution au projet Eloquentia et le documentaire, dont l'initiative a été le sujet, l'ont propulsé sur le devant médiatique en spécialiste de la prise de parole.
Je vous livre quelques-unes des idées, réflexions et thèmes abordés dans cette interview. Ce n'est qu'une partie de la discussion très riche, comme vous le voyez c'est passionnant.
1. La parole est un marqueur social
Une étude aux états unis a démontré qu'il suffisant des 7 premiers mots échangés pour qu'un interlocuteur se fasse une idée de la catégorie socio-professionnelle de son interlocuteur avec un taux de juste proche de 100%. C'est assez cruel, car nous le faisons systématiquement consciemment ou non.
Dis-moi comment tu parles, je te dirai qui tu es.
2. Parole et punition
Il faut faire parler les enfants tous les jours, qu'ils racontent leur journée, mais surtout les faire parler des émotions qu'ils ont ressenties. La prise de parole à l'école a souvent été approchée comme une punition : les récitations avec sanction (des points en moins) à la moindre erreur construisent une association entre prise de parole et punition.
Il faut en terminer avec ce rapport à la parole qui a un rapport sado-maso.
3. Cicéron
Bertrand Périer cite la célèbre méthode du palais mémoriel pour préparer un discours avec quelques mots clés que l'on pourra retrouver grâce à la visualisation d'un parcours. Il aborder également la structure rhétorique en cinq temps selon Cicéron : un plan alternatif au classique thèse, antithèse, synthèse : Exhorte, narration, argumentation, réfutation, péroraison.
4. Prendre la parole en public
Il n'y a pas de méthode miracle pour éliminer le stress. Je n'y suis jamais parvenu et je vis ces moments comme de véritables épreuves. Il y a un triptyque qui peut aider à réduire le stress : la visualisation, la respiration, et l’autocompassion. Évidemment, la préparation est nécessaire, mais il ne faut pas en abuser au point de devoir lire son discours. On peut se préparer en faisant de courtes chroniques pour soi-même sur un sujet que l'on maîtrise, en commençant très court, quelques minutes, puis en rallongeant. On peut les enregistrer, les filmer et encore mieux, trouver quelqu'un qui pourra les regarder et vous faire des retours.
Les deux clés : la respiration pour faire descendre le stress, la visualisation pour gagner en confiance.
5. L’autodérision
C'est aussi un moyen de dédramatiser la prise de parole. Si cela se passe mal, il ne faut pas hésiter à s'arrêter et expliquer à son auditoire ce qui se passe, car l'auditoire, contrairement à ce que nous dit notre cerveau, déteste voir des orateurs en difficulté, il a envie que tout se passe bien, il est bien plus compréhensif que ce qu'on imagine.
L’autodérision permet de renforcer la crédibilité : montrer ses faiblesses, c’est renforcer la confiance.
6. Les 5 mots interdits
Voici une règle que je vais m’efforcer de retenir et d’appliquer : bannir les 5 mots suivants : être, avoir, dire, mettre et faire. Qu'on s'exprime à l'oral ou par écrit, pour ces cinq mots, tu as toujours la possibilité d'un meilleur mot. Cela va désormais faire partie de ma relecture de mes articles et je vais tenter d'y être attentif lorsque je m'exprime, ce qui m'apparaît néanmoins plus compliqué à mettre en œuvre. Quelques exemples donnés par Bertrand Périer :
Être, je suis heureux, j'éprouve un sentiment de bonheur. Avoir, j'ai une voiture, je possède une voiture. Mettre, j'ai mis le couvert, j'ai disposé ça sur une table.
7. L'imperfection
Il ne faut pas craindre l'imperfection dans la prise de parole, c'est inévitable. Si on veut être parfait, il faut écrire : on peut raturer, réécrire jusqu'à ce que ce soit parfait à nos yeux. Ce n'est pas possible à l'oral et c'est tant mieux, c'est aussi ce qui donne la vie au discours et un peu plus d'humanité.
Parler, c'est faire le deuil de la perfection.
