De dos
Il y a des indices qui ne trompent pas sur la qualité d’un photographe de rue. La marque du débutant ou du photographe timide conduit à un type de photos relativement fréquent : les photographies de dos. En cumulant le manque d’expérience et la réserve, je n’échappe pas à cette règle. Oui, après deux ans de pratique irrégulière, on reste un débutant. La photographie de rue exige un exercice quasi quotidien, de l’expérimentation et du culot. En réalité, ce sont des prérequis pour la plupart des types de photographies, mais disons que la photo de rue ne permet pas de faire illusion longtemps.
Je peux m’estimer heureux d’avoir au moins franchi le premier cap : la photo de loin. Il suffit de revoir mes premières expérimentations pour voir à quel point je suis passé par ce travers. Aujourd’hui, il m’arrive encore de faire ce type de photographie, mais c’est relativement rare tout simplement parce que j’ai appris que ça ne fonctionnait pas : je ne déclenche même plus.
On pourrait identifier plusieurs travers assez caractéristiques de l’apprentissage de la photo de rue. Pour le débutant, cela veut dire photographier :
- n’importe quoi, pourvu qu’il y ait une personne dessus,
- les personnes âgées de préférence,
- des gens que l’on croise en marchant (et par la même occasion, maudire son autofocus qui n’est pas capable de faire une photo nette, autofocus qui a quand même quelques excuses, le sujet et le photographe étant en plein mouvements opposés…),
- des gens assis sur un banc, juste assis,
- des gens assis en terrasse d’un café, juste assis,
- des vendeurs de marché, de préférences des maraîchers parce que les fruits et légumes c’est plus joli que le poisson tout gluant,
- des gens mêlés à la foule, parce que c’est plus facile,
- etc. (regardez mes anciennes photos pour d’autres exemples).
Je ne critique pas cette attitude, c’est presque un passage obligé qui permet de prendre ses marques et de s’affirmer. Bien sûr, la satisfaction d’avoir franchi une étape donne l’illusion d’avoir réussi des photos intéressantes. Cette satisfaction nous pousse même à montrer ces images.
Je crois que tout cela ne peut avoir qu’une valeur documentaire sur son propre apprentissage, mais en aucun cas prétendre que ce sont de vraies photos de rue. On s’en rend compte lorsque ces premiers pas ont été franchis. Alors, c’est presque un sentiment de honte qui domine en regardant ces premiers essais sans intérêt.
J’imagine que ce même sentiment sera là dans deux ans, quand je regarderai les images que je prends aujourd’hui. Je l’espère même. Cela voudra dire que la progression est là.
Henri a dit un jour que les 10 000 premières photos d’un photographe sont les plus mauvaises. En photographie de rue cela veut dire des centaines de jours à arpenter les rues. Je vous montre donc mes essais, au cas où je n’atteigne jamais cette fameuse 10 001ème.