Mardi confession

Je n’ai pas l’habitude de raconter ma vie sur ce blog, il y a des sujets plus intéressants. Mais il faut bien l’accepter il est des moments où on ne peut plus cacher certains aspects de sa personnalité. Mes écrits me trahissent, je le sais et je sens dans mon dos les questions qui se posent à mon sujet. Ou plutôt au sujet de ce que je veux vous confesser. Car comme beaucoup d’autres personnes atteintes par cette singularité, en parler est comme un aveu au tribunal. Même si parmi mes juges certains sont aussi comme moi, ils n’osent se l’avouer préférant nier plutôt que de subir les foudres des accusateurs. Il faut que je me jette à l’eau. Je l’avoue, je suis…

…un photo-geek. Oui j’aime essayer les nouveaux appareils, oui je me jette sur les dernières versions des logiciels, oui je lorgne toujours vers les objectifs hors de portée de mon budget, oui je ne manque rien l’actualité des rumeurs. Mea Culpa. Je ne m’en cache plus et j’en suis même presque fier. D’ailleurs je pense qu’une grande partie des photographes amateurs ou professionnels le sont aussi mais ils n’osent l’admettre car ils sont ipso facto marginalisés. La faute au du syndrome de la pensée politiquement correcte ambiante qui n’a pas épargné les photographes.

La pensée unique

Il semblerait qu’il soit écrit quelque part qu’un bon photographe doit avoir le matériel le plus simple possible, que les vrais photographes sont ceux qui sont capables de photographier avec n’importe quoi. Je crois surtout que ce qui fait un photographe ce sont ses images : qu’il les fasse avec une chambre, un iphone, un M9 ou un compact à 50 euros n’a aucune importance. La critique faite aux amateurs de technologie relève souvent d’une sorte de snobisme.

On peut citer quelques exemples de photo-geeks célèbres. Si vous avez visité l’exposition de Diane Arbus au Jeu de Paume, vous aurez remarqué à quel point elle était attachée à disposer du meilleur matériel tant pour la prise de vue (elle recherchait sans cesse l’appareil le plus performant) que pour le tirage de ces photos. Plus proche de la photographie amateur on peut aussi citer Thomas Leutard qui préconise l’utilisation de la fonction « reconnaissance de visage » pour ses portraits de rue et ne se cache pas de l’utiliser car elle est au service des images qu’il fait.

Les photo-geeks ne sont pas ceux que l’on croit

J’ai acheté mon 5D MkII assez vite après sa sortie (en revendant mon 5D). Assez fier de mon acquisition, je le montre à un ami photographe amateur qui s’est empressé de donner son verdict par cette phrase définitive : « C’est bien beau, mais maintenant ce serait mieux de faire de la photo ». Un peu vexé, je n’ai pas répondu à cette affirmation comme quoi posséder le matériel dernier-cri serait incompatible avec le fait d’avoir une âme de photographe. Je n’ai pas répondu car il se trouve que cet ami est un amateur de photo argentique et qu’il dispose lui-même de plusieurs appareil plus ou moins anciens qu’il considère (lui aussi) comme le vrai matériel du vrai photographe.

Car les photo-geeks sont partout. Le revival de l’argentique est selon moi un phénomène similaire. Une grand partie de ces nouveaux conquis à la photo argentique ont exactement la même attitude que les accrocs aux nouvelles technologies : ils essaient tous les films, changent d’appareil, recherchent les objectifs les plus rares ou les plus anciens, essaient des méthodes de développement oubliées, dissertent sur le nombre de secondes de tel ou tel bain. Qu’on ne s’y trompe pas, je ne remet pas en cause leurs choix, bien au contraire je les considère de la même nature que moi : des photo-geeks, des gens passionnés par la technique. Mais pour cette raison, je trouve assez ridicule les leçons que certains veulent donner aux amateurs des nouvelles technologies.

C’est si beau

Si je fais cet aveu aujourd’hui c’est parce que j’ai constaté que mon penchant photo-geek n’était pas un handicap – bien au contraire – pour ma pratique photographique. Car mon intérêt pour la technologie contribue à mon plaisir de photographier. Ce plaisir d’utiliser ou tester des nouveaux matériel renforce ma motivation, me pousse à photographier plus et explorer de nouveaux domaines.

L’achat de mon X100 est assez symptomatique de ce phénomène. Cet appareil classifié comme « le produit geek de l’année 2011 » et décrié par une grande partie des photographes bien pensants a été pour moi un tournant dans ma façon de photographier. Parce qu’il est petit, que son viseur est exceptionnel, qu’il est beau et que je suis fier de l’avoir autour de mon cou, il ne me quitte plus. Il ne me quitte plus depuis six mois et le plaisir de l’avoir en main m’a poussé à faire plus d’images et aller sur de nouveaux territoires (par exemple lorsque j’ai commencé à photographier des gens).

Je suis admiratif des gens qui photographient toute leur vie avec le même appareil. Je considère ces photographes un peu comme des moines bouddhistes se contentant de peu, vivant dans une sorte d’ascèse photographique. Je n’y arrive tout simplement pas et je ne demande qu’une chose : qu’on respecte ma religion photographique qui m’autorise à aimer la technologie ET la photographie tout en gardant à l’esprit que l’un est au service de l’autre, rien de plus.