No Screen Challenge : à quoi sert l'écran de mon réflex ?

Lorsque Fred Laurent, plus connu comme @monsterfred sous Twitter a lancé son No Screen Challenge, j’avoue être passé un peu à côté. Il proposait de faire une séance photo avec son numérique sans utiliser l’écran et de partager ses impressions dans un article. Après réflexion, ce que j’avais pris pour une idée nostalgique du retour à l’argentique, m’est apparu comme une opportunité de vérifier ce que cet écran apportait à ma façon de photographier et si c’était vraiment une aide ou un handicap. Voici les résultats en image et mes quelques réflexions avec une bonne semaine de retard, une douzaine de participants ayant déjà fait leur retour.

Règlages

Une petite sortie dans Paris avec mon 5D et juste un objectif (17-40 f4.0). Je désactive l’aperçu immédiat que j’utilise (utilisait ?) systématiquement depuis que j’ai mon reflex. L’appareil est réglé en mesure évaluative et format RAW. En réalité pas de souci pour modifier les paramètres sur le 5D MkII, la plupart des réglages est accessible via les boutons sans passer par l’écran arrière et la visualisation des changements est possible sur le petit écran LCD ou directement dans le viseur. Je n’ai pas poussé le vice, comme certains, à passer au tout manuel pour la mesure de l’exposition. Un challenge à la fois.

L’expérience

Premier déclenchement, premier réflexe : je regarde l’écran arrière qui affiche… un beau noir profond. Je m’aperçois donc que je contrôle systématiquement toutes les images que je prends. Après quelques déclenchements, le réflexe disparait. J’ai aussi été tenté plusieurs fois dans l’après-midi d’appuyer sur la touche lecture pour visualiser la série mais j’ai joué le jeu jusqu’au bout. D’ailleurs, je n’ai vu les images que plusieurs heures après, une fois chargées dans le Mac.

On pourrait croire que le fait de ne pas réellement visualiser le résultat en cours de prise de vue entraine une multiplication des déclenchements pour assurer une bonne photo. En fait je n’ai pas plus déclenché que d’habitude. D’une manière générale je reste assez économe en déclenchements, certainement un héritage de mes débuts en photographie sous l’ère argentique (vu mon âge !). Avec 25 images pour 18 sujets différents, la plupart ont donc été faites en one shot. C’est aussi parce que j’ai une relative confiance aux capacités de mon 5D pour l’évaluation de la lumière. En cas de doute ou lorsque je veux privilégier la lumière d’une partie du cadrage, j’utilise la technique du recadrage avec mémorisation de l’exposition. Il m’arrive très rarement de faire du bracketting, je n’ai pas été tenté de le faire aujourd’hui. Je me suis quand même fait piéger sur l’image qui suit car j’ai largement sous-évalué la place prise par la verrière et donc la sous-exposition qui en a résulté. C’est clairement le type de situation où je contrôle ma première image pour éventuellement rectifier.

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Sur la suivante, une mémo d’exposition sur le sol m’a permis de limiter les dégâts et récupérer au développement du RAW sous Lightroom.

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Le Bilan

Ce test grandeur nature n’a pas été inutile, il m’a permis de comprendre l’utilisation que je fais de mon écran. En réalité, l’écran d’un numérique peut être utilisé de 3 façon différentes :

  1. Comme moyen de cadrage à la place du viseur. Je préfère largement utiliser le viseur, par habitude certainement mais aussi parce que cela me paraît plus naturel pour la tenue de l’appareil.
  2. Pour faire un aperçu immédiat juste après la prise de vue afin de contrôler le résultat. Comme je l’ai dit plus haut c’est un réglage activé en permanence sur mon reflex mais aussi sur mon X100. Il me permet de contrôler que je n’ai pas fait d’erreur de jugement dans l’exposition mais aussi dans le cadrage, en particulier en recherchant les éléments indésirables que je n’aurais pas vu dans le viseur.
  3. Comme visionneuse des photos, pour parcourir les images d’une session.

Je considère que les deux premières utilisations sont des avancées indéniables du numérique et qu’il serait dommage de ne pas s’en servir. L’utilisation du Live view est quand même très utile dans certaines conditions : en macro car cela permet de mieux juger la zone de netteté surtout couplé à la possibilité d’utiliser la loupe. En photographie nocturne ou plus généralement lorsque j’utilise un trépied cela permet de mieux visualiser la scène parce que le viseur est souvent moins « accessible » dans cette configuration.

Quant à l’aperçu immédiat cela ne m’empêche pas de réfléchir au cadrage et à la mesure de l’exposition, c’est juste un moyen supplémentaire de vérification. Après cette expérience, je suis encore plus convaincu de son utilité et je n’ai pas l’intention de modifier ma façon de procéder : cette fonction concours à la réalisation de meilleures photos en permettant de corriger une prise de vue. Je me souviens des frustrations lorsque je faisais développer une pellicule et que je constatais qu’une photo intéressante était gâchée par un petit défaut de cadrage ou une mesure de la lumière inadéquate. Je ne renie pas la pratique argentique, je pense qu’elle a d’autres qualités que n’a pas le numérique (la dynamique, le grain des films, la créativité au développement) mais l’impossibilité de visualiser sur le champ est selon moi son principal handicap. Cependant j’ai bien conscience que cette utilisation ne doit être faite qu’en cas de doute pour des images en conditions difficiles, elle n’est pas justifiée dans tous les cas. Je vais essayer de me restreindre à ces cas.

Enfin il y a la troisième utilisation, le visionnage que je pratique aussi et cette expérience du NoScreen Challenge m’a fait comprendre à quel point elle était inutile voire ridicule. Visionner ses images sur un écran d’appareil photo ne permet pas de se rendre compte de la qualité réelle des images. Pire, pendant le temps que vous passez à regarder vos images, il y a un risque de manquer des opportunités de déclencher. Et je ne parle même pas de la manie agaçante de montrer ses images aux personnes qui vous accompagne, les pauvres ! Je dois clairement m’améliorer sur ce point qui nuit à la concentration.

Il existe un terme anglais pour décrire cette habitude d’utiliser son écran abusivement en photographie numérique : le chimping, littéralement « chimpanzer » (le photographe ressemble à un singe penché sur son écran). Cet article de Eric Kim décrit 10 raisons pour lesquelles on ne devrait pas faire de chimping. Je ne suis que partiellement d’accord avec lui et je ne suis pas le seul au vu du nombre de commentaires qu’il a suscité. Car je considère qu’utilisé de façon judicieuse on peut se permettre de vérifier via l’aperçu immédiat et je dirais même que l’on doit. Penser que c’est mieux de faire « comme au temps de l’argentique » est une position qui relève du snobisme, il n’y a pas deux photographies qui s’opposent, la technique ne doit pas créer de barrières entre les photographes. Cependant je le rejoins quand même sur quelques points et plus particulièrement sur le dernier : Cela ne sert à rien d’admirer ces images sur le terrain, c’est bien plus confortable et gratifiant de le faire à la maison.

En tout cas c’était une expérience très enrichissante qui je garderai en mémoire à chaque fois que je sentirai que je fais trop le singe. Un grand merci à MonsterFred pour cette idée !

Les images

 

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Rue Marie Pape Carpentier
Saint Sulpice
Saint Sulpice en hiver
La Samaritaine