Pourquoi prendre des notes

Pourquoi prendre des notes
Le réseau des idées du livre Tiny Experiments dans Capacities

Je prends des notes depuis toujours, mais c’est seulement récemment que j'ai pris conscience que je ne le faisais ni pour la bonne raison ni de la bonne façon. Cette prise de conscience a pris naissance lorsque j’ai découvert les concepts de PKM, Zettlekasten, Second Brain et toute la galaxie de propositions qui ont émergé ces dernières années pour gérer ses notes. Ma passion des outils n’a pas arrangé les choses. Je découvrais en même temps des logiciels qui envisageaient la prise de notes sous un angle nouveau, Roam Research en tête de file avant l’arrivée de concurrents parmi lesquels Obsidian a rapidement pris l'avantage.

Mais je m’éloigne du sujet, l’outil n’a aucune importance tant que l’on ne sait pas pourquoi on veut prendre des notes. Cette question peut amener à se demander si la prise de notes est vraiment nécessaire. Vous, comme moi, connaissez certainement des personnes, qui ne prennent jamais de notes et qui, pourtant, s’en sortent très bien.

Rentrée scolaire

Pendant des années, j'ai pris des notes pour me souvenir des choses. Il s'agissait de pouvoir y revenir lorsque ma mémoire me faisait défaut, mais c'était surtout une manière d’apprendre.

C'était une réminiscence de nos années sur les bancs d'école. On apprend très tôt aux enfants à reporter sur leur cahier tout ce qui est dit. L'objectif est alors de garder la trace de ce qui a été dit pour que l'élève puisse le relire pour l'assimiler. Parfois, on lui demande de l'apprendre par cœur, voire de le recopier plusieurs fois pour le faire entrer dans son cerveau en formation.

Bien que connaître une leçon par cœur ne signifie pas qu'elle est comprise et qu'elle pourra être réutilisée dans d’autres contextes, elle permet une chose basique : répondre juste aux contrôles du savoir. Pourquoi pas ?

Arrivés à l'âge adulte, nous continuons de nous comporter comme des enfants en classe : nous prenons des notes de réunion comme un élève ses notes de cours. Comme si notre boss allait nous interroger (ceci dit, les questions des managers s’apparentent parfois à une interrogation orale, mais c’est un autre sujet). L'arrivée de la technologie n'a pas changé grand-chose. Certes, on prend des notes sur des logiciels au lieu du papier, mais avec le même objectif. Pendant des décennies, les outils de prise de note n'ont fait qu'imiter les carnets et n'ont absolument pas tenté de remettre en cause la manière de procéder. Regardez comment OneNote ou Evernote est structuré : le mimétisme avec le carnet papier est flagrant.

On peut finalement se poser deux questions :

  • Avons-nous besoin de continuer à prendre des notes comme des enfants de CP ?
  • La technologie ne pourrait-elle pas nous aider à penser autrement notre prise de notes ?

En réalité, prendre des notes ne doit pas servir à se rappeler les choses, mais au contraire à les oublier.

C'est le même principe que le concept fondateur de la méthode GTD pour les tâches : vider son cerveau pour le libérer de la charge mentale qui consiste à se rappeler les choses.

Prendre des notes doit servir à les oublier.

Si on libère son esprit, on peut profiter de son temps de cerveau disponible pour faire autre chose. Je ne parle pas de regarder la TV, les réseaux sociaux ou les jeux vidéos (les neurones sont peu sollicités pour ces activités). Non, je parle de la fonction principale du cerveau : penser, raisonner, synthétiser, créer. Il faut voir les notes comme une matière première pour ces activités.

Prendre des notes pour penser

Le pont crucial est de savoir comment transformer cette matière brute en quelque chose d’autre. Plusieurs conditions vont nous permettre d’optimiser nos chances :

  • La façon de prendre des notes.
  • L'extraction des idées.
  • La valorisation de ces idées.

L’art et la manière

La façon dont on prend des notes est le premier levier. Après tout, ce sont ces notes brutes qui seront la base des étapes suivantes. Que ce soit des notes de lecture d’un livre, de podcast, de vidéos ou de réunion, la règle est basique : pas tout, pas trop.

Surligner la moitié d’un livre pour en retenir les idées est inefficace. Cela revient à créer un nouveau livre, certes plus court, mais qu’il faudra lui-même relire pour en faire une nouvelle synthèse. Quelques phrases par chapitre suffisent en général. Dans les livres de non-fiction, la conclusion d’un chapitre est bien souvent la seule chose à en retenir, peu importe le cheminement qui amène à ces conclusions. Elles ne vous serviront pas.

Distiller

Ces notes, tout en étant des extraits du texte principal n'en sont pas pour autant les pépites qui forment la base de connaissances. Elles ne le deviendront que si elles sont retravaillées, distillées. Et pour cela, le plus important est d'écrire avec ses propres mots : à partir des notes brutes, extraire les idées fortes en les réécrivant selon sa compréhension. C'est l'utilisation de son propre vocabulaire, son propre chemin de pensée, qui permet de les transformer en éléments réellement utiles.

Pour cette étape, l'IA peut être une première aide en proposant une liste des thèmes et idées principales qui émergent. Mais il faut résister à ne conserver que ces productions qui utilisent le ton de votre LLM préféré, car, en réalité, ils ne parlent pas tous le même langage et n'ont pas le même caractère. Il est indispensable de les reprendre et les écrire soi-même, quitte à réutiliser une grande partie de ce que l'IA a généré en corrigeant les tournures de phrases pour les faire siennes.

Valoriser

Cette matière distillée donne toute la valeur à vos notes : elles sont la base pour réfléchir. En cela, la technologie des outils modernes nous aide grandement. Ici, je ne parle plus d'IA, mais de fonctions basiques que l'on retrouve dans la plupart des outils sortis ces dernières années :

  • Les tags permettent d'enrichir les notes. Les étiquettes permettent de les catégoriser, de leur affecter des statuts, des thèmes et finalement de les augmenter.
  • Les liens entre notes permettent d'associer les idées. Ces liens créent un réseau de pensée qu'il sera facile d'explorer en naviguant au travers des rétroliens ou de visualisations graphiques de ces associations.

Prendre des notes pour oublier

La matière première que nous avons créée est désormais exploitable et surtout accessible bien plus facilement. Quand je disais que les notes doivent nous servir à oublier les choses, ce n'est possible que si nous sommes capables de les retrouver facilement quand nous en avons besoin : en sélectionnant ce que nous retenons, en extrayant les idées, en étiquetant, en liant les notes entre elles. On dit qu'elles ont acquis une qualité de "découvrabilité" renforcée.

Dans mes notes professionnelles, il m'est facile de retrouver les échanges que j'ai eus avec un interlocuteur, même si je ne me souviens plus dans quelle réunion. Parce que j'ai un lien entre la note de la réunion, les participants, les thèmes abordés au travers de tags, je peux afficher facilement la liste des échanges que j'ai eue avec quelqu'un sur un thème et ainsi retrouver la réunion en question. Ce qui me demandait plusieurs minutes de recherches dans mes notes manuscrites ou dans mes anciens systèmes de notes me prend maintenant quelques secondes avec Obsidian. Cela m'a aidé dans bien des cas. Je suis certain que vous avez déjà vécu ce genre de situation : quand plus personne ne se souvient de ce qui a été dit sur un sujet.

Prendre des notes pour en faire quelque chose

En réalité, les notes ne sont utiles que si elles servent à fabriquer quelque chose avec. Le système de prise de notes prend tout sa puissance dans la possibilité de créer à partir de la matière première que l'on a emmagasinée. Là encore, la distillation des idées, l'étiquetage, les liens entre les idées permettent d'exploiter facilement sa base de connaissance, car elles sont rendues plus facilement disponibles.

Si l'objectif principal de sa prise de notes est de pouvoir les réutiliser pour créer, il faut avoir cet objectif en tête dès le début : ne conserver que ce qui peut être utile, distiller les idées qui pourront servir, associer les idées pertinentes pour le type de contenu que l'on veut produire.

Je n'aurais pas pu écrire cet article sans mes notes de lecture, les idées qui en ont émergé et mon système de prise de notes qui m'a permis de retrouver cette matière. C'est d'autant plus vrai que le premier brouillon de l'article date de 2021 (record battu du temps de rédaction d'un article !).

Si cet article vous a intéressé et si vous souhaitez approfondir le sujet pour améliorer votre façon de prendre des notes pour valoriser vos lectures, échanges, écoutes, je vous conseille vivement la lecture du livre de Sonke Ahrens : How To Take Smart Notes.

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